Sciences Economiques

Les intérêts et les limites de la suppression de la taxe d'habitation - ROCHER Emma et MANZO Lila (2nd3)

Par CECILE DECONS, publié le mardi 29 janvier 2019 11:09 - Mis à jour le mardi 29 janvier 2019 11:09

Suppression de la taxe d’habitation, une mesure en faveur du pouvoir d’achat des classes moyennes ?

 

En 2018, le président Macron a mis en œuvre une mesure phare de sa campagne électorale, la suppression de la taxe d'habitation. Initialement l’exonération concernait 80 % des ménages mais elle a finalement été étendue à l’ensemble des contribuables. La taxe d’habitation est un impôt local qui dépend des caractéristiques du logement, de sa localisation géographique et de la situation personnelle de celui qui la paye : propriétaire, locataire, ou occupant à titre gratuit d’une habitation principale ou d’une résidence secondaire. Cependant 4,5 millions de ménages en sont déjà exonérés en raison de revenus insuffisants. En 2015, la taxe d'habitation a rapporté 21,7 milliards d'euros aux collectivités locales, selon l’article « taxe d’habitation : le cadeau de Macron aux ménages » de Renaud Honoré paru le 10 octobre 2018 sur Les Échos.

En 2018, le président Macron met en œuvre une mesure phare de sa campagne électorale, la suppression de la taxe d'habitation, sur la résidence principale uniquement, pour 80 % des ménages. D’après l’article du Service Publique « la taxe d’habitation » rédigé par le premier ministre et vérifié le 9 octobre 2018, cette mesure sera étalée sur 3 ans avec une baisse progressive, le dégrèvement, de 30 % en 2018, puis de 65 % en 2019 avant une disparition totale en 2020.

En effet cet impôt est jugé injuste car il pèserait particulièrement sur les classes populaires et moyennes . Par rapport à celles-ci, la taxe d’habitation consomme une part importante du revenu, alors qu'elle représente une faible part des revenus des ménages aisés. C'est donc un impôt régressif qui renforce l'injustice fiscale."

Il est aussi déconnecté de la réalité car il était calculé sur les valeurs locatives cadastrales qui n’ont pas été révisées depuis les années 1970 et ne correspondent plus aux évolutions du marché immobilier (comme l'explique Guillaume Guichard dans l’article "Baisse d'impôt sur les ménages: pourquoi Macron cible la taxe d'habitation » publié le 25 février 2017 dans Le Figaro, dans une même commune, un appartement ancien et prestigieux du centre-ville sera moins taxé qu'un autre construit dans les années 1960 en périphérie).

Par ailleurs, la taxe d'habitation est une taxe locale qui, d’après l’AMF, permet « d'assurer les services publics essentiels attendus par la population, de l’école à la solidarité» en finançant 36 % des ressources propres des communes et EPCI. Son taux varie donc selon la commune, en fonction de ses besoins. La taxe d'habitation est donc aussi un révélateur et un accélérateur d’injustices sociales : Paradoxe évident, si les ménages les plus pauvres étaient exonérés depuis le début, la ville, pour financer son fonctionnement, avait l’obligation de récupérer le manque à gagner en surtaxant les classes moyennes et supérieures. Conséquence: 80% des communes qui disposent de plus de 35% de logements sociaux affichent un taux d’imposition supérieur à la moyenne. A l’inverse, dans les villes très riches, avec un grand nombre d’entreprises et à la valeur locative élevée, les taux sont faibles. Par exemple, dans les Yvelines en 2014, 76% des ménages payaient l’impôt sur le revenu, 233 communes disposaient de moins de 20% de logements sociaux et le taux d’imposition était l’un des plus faible de France,à 15,32 % d’après l’article «La taxe d'habitation accentue les inégalités entre les communes » publié le 3 juillet 2014 sur le Figaro par Cyrille Pluyette . Ce qui explique que la taxe est souvent plus élevée dans les communes pauvres que dans les communes riches.

D’après la chronique matinale du 5-7 du 5 octobre 2018 de Marc Chevallier sur France-Inter, le principal objectif de la suppression de la  taxe d'habitation est de redonner du pouvoir d’achat aux classes moyennes. 18 millions de foyers sont concernés essentiellement situés dans le milieu de la fourchette des revenus et d’après l’observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le gain de pouvoir d’achat s’élèvera en moyenne à 580 euros par foyers, par an. Un couple avec deux enfants serait par exemple exonéré tant que son revenu fiscal de référence reste inférieur à 5 000 euros par mois.

Cependant de nombreuses conséquences de la réforme semblent avoir été mal évaluées. D’abord, d’après l’article « pourquoi la taxe d’habitation de certains contribuables augmente » paru dans Le Monde  le 10 octobre 2018 et rédigé par Samuel Laurent, certains contribuables, malgré le dégrèvement de 30 % en 2018, n’ont vu aucunes diminutions du montant de la taxe d'habitation, voire ont constaté une augmentation. Dans 5 680 communes et 184 intercommunalités, le taux de la taxe d'habitation 2018 a augmenté, parfois fortement, ce qui a pu « effacer » en partie ou en totalité la baisse de fiscalité issue de la mesure prise au niveau de la nation (seule la part de taxe d'habitation calculée sur le taux 2017 sera dégrevée). Ensuite, faire le choix d’exonérer l’ensemble des contribuables de taxe d'habitation  d’ici 2021, bénéficie finalement d’abord aux plus riches. D’après Marc Chevallier, rédacteur en chef d’ Alternatives économiques dans sa chronique du 9 octobre 2018 sur la matinale de France Inter, c’est un jackpot pour les 5 % de ménage les plus aisés qui économiseront 1400 euros grâce à la suppression de leur taxe d'habitation soit 2,5 fois plus que la moyenne de tous les ménages. Le Hors-Série n°115 d’Alternatives économiques, les chiffres 2019, publiés en octobre 2018 révèlent que la politique fiscale du gouvernement creusent les inégalités sociales. La suppression de la taxe d'habitation comme celle de l’impôt sur la fortune profite directement aux plus aisés en baissant leur contribution. Les plus modestes et les classes moyennes peuvent ressentir directement une légère hausse de leur pouvoir d’achat mais ne peuvent pas percevoir les effets indirects et à plus long termes de ces réformes. Ces taxes supprimées sont autant de recettes fiscales qui échappent à l’État et aux collectivités locales or ce sont eux qui les mobilisent et les redistribuent en faveur des plus pauvres au travers des aides sociales. Ce sont autant de revenus de transfert en moins à destination des ménages les plus fragiles car ces taxes financent les aides sociales et contribuent ainsi par un jeu de redistribution de la richesse nationale à corriger les inégalités sociales.

Ce cadeau fiscal coûte cher aux finances publiques, 10 milliards € pour l’exonération des 80 % de ménages et 6 milliards supplémentaires avec la suppression pour tous.

Cela pose aussi le problème du financement et de l’autonomie de gestion des communes et EPCI puisque d’après l’AMF, la taxe d'habitation finançait 36 % de leurs ressources propres. Si l’État s’est engagé à compenser la perte de  la taxe d'habitation « à l’euro près », les maires redoutent que le financement ne soit pas à la hauteur de leurs besoins et que l’État fasse de l’ingérence dans leur gestion locale en altérant la qualité des services publics de proximité.

ROCHER Emma et MANZO Lila    ,   2nd3